De l'équitation en amazone
J’ai connu cette monte de façon accidentelle lors d’une halte de randonnée chez un vieux chatelain si heureux de voir à nouveaux des chevaux peupler ses écuries qu’il nous a offert une selle d’amazone…
Cette drôle de selle plus massive, plus lourde, avec ses deux fourches désespéremment vides m’a immédiatement fascinée, son cuir fauve rongé par les années et l’histoire que l’on devine sur son siège… Immédiatement, des rêves de petite fille m’assaillent et les fantômes de femmes à la taille de guèpe et aux robes de princesses m’entourent et m’enjoignent à m’initier…
Avant même d’avoir essayé cette monte je suis séduite, pouvoir monter comme ces femmes d’une autre époque. Ces femmes que beaucoup de féministes auront taxées de victimes du puritanisme et du machisme d’alors, je les vois comme des vraies amazones, fières et fortes, suivant sans peine les chasses les plus effreinées à travers bois et taillis, franchissant les fossés et galopant jusqu’à plus soif dans un bruissement de soie et d’étoles. Contraintes de monter ainsi, elles se sont appropriées ce qui semblait un handicap pour pouvoir atteindre l’égal des hommes montés à califourchons.
Elles sont dans mon esprit de vraies femmes, assumant leur différence et l’affichant au nez et à la barbe de tous, elles sont pour une fois sur le même pied d’égalité que les hommes sans avoir pour autant eu à renier leur féminité.
Pour la première fois de ma vie équestre, je pose cette selle étrange sur le dos de mon cheval de randonnée, j’observe et je m’interroge, mais plus je la regarde et plus l’envie de me mettre en selle me talonne. Personne autour de moi ne peux m’orienter ni me conseiller et comme souvent je m’apprête à me fabriquer ma propre expérience non sans un soupçon d’apréhension. Une journée de randonnée dans cette curieuse selle… Le paris est tentant mais pourrait vite touner au cauchemard !
La tentation l’emportera sur l’appréhension. Sitôt installée, je cherche une position confortable, les hanches et les épaules dans l’axe, je repose mes jambes autour des fourches et tache de me détendre. Au fur et à mesure que la journée se passe, je n’en finit pas de m’extasier du confort et du naturel de cette façon de monter, le cheval quant à lui ne semble pas perturbé pour un sous et avale sereinement les kilomètres. Cette journée reste gravée dans ma mémoire, comme un nouvel horizon équestre se dévoilant tout au long des chemins forestiers, je sens déjà que je ne pourrai plus me passer de cette façon de monter et je suis rongée par le désir de tout refaire en amazone.
Et voilà comment nait une nouvelle passion,
Les sensations que l’on ressent en amazone sont incroyables, le bassin étroitement lié au moindre mouvement du cheval, suffit à accompagner et demander. Tout est plus léger dans cette position, on ne se sent plus « agrippé » au cheval e, l’enserrant des deux jambes, mais on se sent légèrement « posé » sur lui et avec lui… C’est une incroyable sensation qui mêle une impression de maîtrise, de légèreté et presque de supériorité.
La monte en amazone ne peut se résumer à une lubie pour femmes en manque d’originalité, même s’il faut reconnaître chez les amazones l’amour de l’histoire et un certain goût pour le romanesque, c’est avant tout une façon de monter qui permet d’élargir sa pratique et sa compréhension de l’équitation, qui permet de mieux s’assumer à cheval en tant que cavalière, c’est une équitation qui ouvre les yeux et délie à la fois le corps et l’esprit.
Confortablement installée dans mes fourches, ressentant tout des mouvements de mon cheval, le buste bien plus reculé qu’à l’acoutumée, j’ai le sentiment de prendre du recul, de voir arriver les choses et d’y faire face. Le roulis du galop m’ennivre, alors que mon corps se fond et se laisse emporter dans ce mouvement exquis, mon esprit s’égare au gré du vent qui passe sur mon visage et emporte ma jupe dans un léger bruissement de tissus…
Souvent, les autres cavaliers me regarde curieusement et me demandent si je ne me sens pas minimisée par cette façon de monter…Comment leur expliquer que j’ai sûrement compris bien plus de choses de l’équitation et de ses finesses dans les fourches que dans des reprises de dressage.
Comment faire entendre que les jambes ne me servent à rien pour exécuter un départ au galop ou un appuyer ? Que seul mon buste et mon bassin me suffisent comme si mes jambes avaient disparu inutiles désormais puisque mon cheval à les siennes pour se mouvoir… Cette fois le rêve du centaure est atteint mais en plus complété du mythe de l’amazone !